Sylvie
21 h 30. Gare du Nord. Bureau de tabac. Dehors, des cris, des hurlements.
Une très, très jeune jeune fille vocifère face à trois ou quatre gars. Je veille du coin de l'oeil qu'il ne lui arrive rien parce que la tension monte. Ca « sent le souffre ».
Silence. Je paye mes clopes. Une fois sortie, je retrouve la jeune fille assise par terre au beau milieu du parvis de la gare. Jambes écartées. En pleurs bruyants. Elle ramasse la totalité du contenu de son sac éparpillé autour d'elle. Je m'approche et m'accroupit
« Je n'ai rien, laisse moi, c'est pas toi qui va me rendre mon fric ». Elle a le visage ravagé par les larmes. En débit des dents qui lui manquent (déjà !), des cicatrices, des fringues sales elle est (encore) jolie. Mais droguée, sûrement en manque. Soudainement elle file !
Une autre jeune femme m'approche avec deux énormes molosses en laisse et muselière (ouf). « Laisse ! C'est Choucha, elle est en manque, on peut rien faire quand elle est comme ça ». Présentations. Elle a envie de parler... J'ai le temps d'écouter...
C'est Nadia. Elle vit dans un squatt « grâce au DAL. On est déjà 5 on en attend un autre ». Elle me « rassure » sur le sort de Choucha : « Son mec est clean mais elle a pas assez de fric pour sa dose ». J'interroge sur un éventuel traitement de subsitution. « Non, elle se prostitue, elle achète, consomme et ça va mieux ». Ah...
Est-ce que Nadia a besoin de quelque chose ? « Oui, si tu as du savon j'en ai plus ». Echanges de portables, bisous, à demain.
Je rentre au chaud chez moi retrouver mon chéri, mes p'tits loups. Pendant que Choucha va tailler une pipe ou deux pour quelques heures de soulagement physique... Pendant que Nadia par faire la manche pour nourrir ses molosses et elle-même.
Qu'est-ce que je peux faire ?
J'ai l'impression d'une brève rencontre entre habitants de deux réalités aux antipodes. Certains me disent que les échanges représentent beaucoup. C'est quasiment tout ce que j'ai à donner. J'en suis très frustrée...